• Tu es là, solitaire, dans ce parc, sur ce banc. Tu observes les gens, ces gens qui te rejettent, tu tentes d'imiter leur posture, leur langage, leur vie. Toutefois tu ne leur ressembles en rien, qu'importe les efforts fournis. Tu n'appartiens pas à ce monde, tu le sais, tu le sens plus encore que les battements de ton propre cœur. Tu souffres de cette différence évidente. Mais tu ne dis mot, tu observes les gens. Ceux-ci n'ont plus le temps, de nos jours. Ils s'ignorent, tels des enfants fâchés dans une cour de récréation. Toi tu as quitté depuis longtemps la douce enfance. Tu as perçu la cruauté des hommes, leur égoïsme, leur narcissisme. Est ce cela qui te blesse un peu plus chaque jour? Le propre même des hommes? Sans doute désires-tu quitter cette terre de désolation et de haine. Ta souffrance t'aveugle. Un voile recouvre ta vision. Tu ne vois plus, comme si la mort t'avait déjà accueillie. Qu'as-tu, bel ange? Qui dont aurait osé te blesser de la sorte? Serait-ce cet homme, ce salaud, qui promet et qui s'enfuit? Ou cette femme se disant ta confidente, qui chaque jour te pourrie sur les réseaux sociaux? Ou bien la dispute avec tes parents? Ou ne supportes tu plus le Monde tel que nous le connaissons? La vie te paraît si sombre, si triste. Les yeux ne mentent guère, saches-le; je vois derrière ton sourire les larmes contenues. C'est ta dernière sortie. Ta dernière soirée. Cette société t'as brisé, elle aura finalement eu raison de ta volonté. Tu ne pleures pas...! Tu as accepté ton sort bien des années auparavant, lorsque tu étais encore au collège et que ces filles te critiquaient sans cesse. Tu sais. Tu ne crains rien. Qui s'apercevra de ton absence, sinon ton poisson rouge? Tu ne me connais pas. Et la réciproque est vraie. J'ai su déterminer ta vie entière a partir du regard que tu porte sur ces gens, que nous méprisons toutes les deux. Subitement tu abandonnes ce siège, et lèves les yeux au ciel. Tu n'es pas croyante, aucun Dieu ne peut plus rien pour toi. Cependant tu veux y croire. Est-ce pour te donner l'illusion d'un monde en paix, une fois le fil de vie coupée? Tu pars simplement, presque sereinement. Tu ne m'as pas lancée un seul regard. Pourtant j'étais là, assise juste en face de toi. J'étais là... tu ne m'as pas vu, ou tu n'as pas voulu me voir je ne sais. Si tu avais levé les yeux ne serait-ce qu'un instant, tu aurais vu une jeune femme, bien que plus âgée que tu ne l'es. Tu aurais su au seul regard combien ton histoire était proche de la mienne. Peut être te serais-tu assise a mes côtés. Aurions-nous discuté...? Rien n'est moins sûr. Nous serions restées silencieuses, nous contentant de la présence de l'autre. Puis tu te serais levée, et tu t'en serais allée. Mais pas de ce pas-ci, plus lourd encore que la peine de tes proches a l'annonces de ta mort. Tu serais partie plus légère. Tu aurais porté un regard neuf sur ce monde. As-tu vu comme le ciel est beau, ce soir...? As-tu pris la peine d'écouter ce rire d'enfant, au loin...? Maintenant je me lève, je jette un dernier regard du côté où tu t'es lâchement enfuie. Toutefois tu as disparu depuis bien longtemps, tu t'es enfoncée au travers des arbres. Tu ne voulais pas être sauvée. Je ne peux rien. C'est ta volonté seule, attisée par mes mots, qui t'aurait sauvé de l'autodestruction. C'est trop tard désormais. Je me retourne a regret. Je pars sans un mot, mais avec la conviction que demain,en première page de tous les quotidiens de la région se trouvera l'annonce de ton suicide. Savaient-ils ces, gens, qu'il ne servait a rien de raconter un drame si les mentalités de changeaient pas...? Les coupables ne sont pas ceux qui comprenaient trop tard, mais bien ceux qui savaient depuis longtemps de quels maux tu souffrais.

    Repose en paix, bel ange...

     

    Charlène


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